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Home | Actualités | Les vendeurs de rue de Comas font face à la violence institutionnelle à Lima, au Pérou
Les actions radicales d’un maire d’un des districts les plus peuplés de Lima portent atteinte aux droits fondamentaux de milliers de vendeurs de rue et les précipitent dans la misère. Malgré tout, ces derniers se mobilisent pour se défendre.
Dans le quartier animé de Chacra Cerro, dans le district de Comas à Lima, les habitants célébraient encore le Nouvel An aux premières heures du 1er janvier 2024 lorsque des dizaines de bulldozers ont commencé à démolir leurs routes et leurs trottoirs. Cette situation a suscité la consternation plus tard dans la journée, à la suite de la déclaration publique du bureau du maire local, qui a justifié cet acte de vandalisme de l’État comme faisant partie d’une politique visant à empêcher les vendeurs de rue d’exercer leur activité dans cette zone.
Selon les associations locales de vendeurs faisant partie de la Fédération des commerçants et entrepreneurs de Comas (Federación de Comerciantes y Emprendedores de Comas), près de 2 000 vendeurs ambulants travaillaient dans les quelques pâtés de maisons visés par la démolition. Ces vendeurs se voient désormais dépourvus de la possibilité de travailler dans la dignité pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Pire encore, les autorités locales ont fait savoir qu’elles entendaient poursuivre leur croisade contre les vendeurs de rue dans l’ensemble du district de Comas, générant ainsi crainte et stress pour cette population marginalisée.
Comme c’est souvent le cas, le maire local a dépeint les vendeurs de rue comme des ennemis publics, tenus pour responsables du manque de salubrité, d’accessibilité et de développement ordonné des villes. Cette campagne de stigmatisation a été orchestrée par le maire de Comas, Ulises Villegas, qui a également publiquement accusé les vendeurs de l’avoir menacé.
Le maire « Ulises » est un responsable politique local désireux de réaliser ses ambitions personnelles. Il utilise les réseaux sociaux comme outil pour promouvoir son programme populiste. Très suivi sur les médias sociaux, il y partage régulièrement des vidéos et des messages sur ses activités et ses politiques, donnant souvent l’impression de décider de ses mesures de manière impulsive. Son dédain envers les vendeurs de rue est un élément récurrent de son contenu en ligne, où il n’hésite pas à faire des commentaires désobligeants et blessants.
Les responsables des vendeurs de rue locaux ont fait part à StreetNet du choc et de la confusion qu’ils ont ressentis en voyant la dévastation du 1er janvier. « Quand nous avons vu ce qu’ils avaient fait, je n’arrivais pas à croire qu’ils puissent faire ça. Je n’arrive toujours pas à y croire, a déclaré un responsable des vendeurs de rue, au début, j’étais comme paralysé, mais nous devions réagir, car ils nous ont privés de nos moyens de subsistance. C’est tellement injuste ce qu’ils nous ont fait. C’est une telle injustice ! Regardez ce qu’ils ont fait à notre communauté, juste pour nous empêcher de travailler, nous ne sommes que des vendeurs de rue parce que nous n’avons pas d’autre choix. Ils pensent que nous devrions simplement disparaître, mais ça n’arrivera pas ».
En 2023, deux documents ont été transmis à la mairie dans le but d’entamer un dialogue et de créer une table de concertation sur la question de la vente ambulante. Les travailleurs ont à nouveau contacté les autorités le 8 janvier, mais l’administration du maire Villegas n’a toujours pas répondu à leurs nombreuses demandes de discussion. Face au refus de reconnaître leur droit au travail et à cette atteinte à leur dignité, les vendeurs de rue de Comas ont décidé de riposter.
En janvier, ils ont organisé une marche dans le but d’entamer des négociations officielles avec la mairie. Ils ont convié les associations de vendeurs de rue de tout Comas à y participer, et le district a répondu à l’appel. Cette manifestation a connu un succès retentissant, avec des dizaines de milliers de participants, « l’une des plus importantes jamais organisées à Comas ». Selon un autre leader, cette solidarité s’explique également par la connaissance des projets des autorités locales visant à étendre les expulsions à d’autres zones du district de Comas, d’où la nécessité pour les vendeurs ambulants de s’unir et de résister ensemble.
Selon leurs déclarations à StreetNet, ils pensaient que les manifestations avaient réussi à arrêter temporairement ces projets : « Nous savons que la marche les a retenus, mais nous sommes très heureux de cette marche car elle a bénéficié du soutien de tous les marchés de Comas, qui savaient qu’ils pourraient être les prochains ». « Nous ne savions pas à quoi nous attendre, mais cette marche a été tellement importante. Elle nous a montré que nous n’étions pas seuls, et elle a fait comprendre aux autorités que nous étions solidaires. Les autorités avaient l’intention d’expulser les vendeurs de l’espace public dans tout le quartier, et elles ont toujours cette intention, mais la marche leur a fait réaliser que nous étions organisés, ce qui les a inquiétées.
La Fédération des commerçants et entrepreneurs de Comas, fondée en 2018, rassemble aujourd’hui 16 associations de vendeurs représentant environ 5300 vendeurs dans le district de Comas, dont environ 2000 résidents dans la zone de Chacra Cerro. Bien que relativement récente, cette fédération s’est consolidée grâce aux défis et à l’adversité auxquels ses associations ont été confrontées ces dernières années, notamment avec la pandémie de Covid-19 et les tensions plus récentes avec les autorités.
Comas est un quartier densément peuplé et défavorisé de Lima, la capitale du Pérou. L’emploi informel est une réalité très répandue dans ce pays. Un rapport de l’Institut national péruvien des statistiques a révélé que 29 % de la population péruvienne, soit 9 millions de personnes, vivent dans la pauvreté, et près de 2 millions dans une pauvreté extrême. Les statistiques gouvernementales indiquent également que le taux d’emploi informel est passé de 64,8 % à 70,5 % entre 2016 et 2022. La situation des travailleurs est souvent très précaire, les obligeant à se tourner vers le commerce de rue faute d’autres opportunités d’emploi.
Les propriétaires de magasins officiels ont ouvert leurs espaces aux vendeurs, mais cette initiative ne semble pas être un geste de solidarité. Au contraire, les petits entrepreneurs imposent des redevances élevées aux vendeurs pour leur permettre d’occuper ces espaces privés. « Cette situation nous a plongés dans une situation financière catastrophique. Je n’ai rien vendu pendant deux mois. Je me suis endetté, comme beaucoup d’entre nous, déclare un vendeur, de nombreux vendeurs sont ainsi exploités par les propriétaires de magasins, qui se font de l’argent en imposant des loyers exorbitants à plusieurs vendeurs pour des espaces minuscules dans leurs boutiques, où s’entassent parfois cinq autres vendeurs. C’est une triste absence de solidarité, surtout envers les vendeurs les plus âgés ».
Selon des représentants de l’organisation, des hommes armés, à qui les autorités municipales auraient donné des instructions, les ont personnellement menacés. Les citoyens s’inquiètent pour leur sécurité, leur emploi et leur famille.
« La peur se lit sur le visage des gens, décrit un autre travailleur. On peut percevoir à quel point tout le monde est terrorisé. Ils nous intimident, ils se déplacent accompagnés de leurs voyous prêts à confisquer nos affaires, ils nous considèrent comme des criminels. Mes enfants me conseillent d’arrêter ce que je fais parce qu’ils s’inquiètent pour ma sécurité, mais je ne le ferai pas. Néanmoins, j’ai énormément peur ».
La situation à Comas met en évidence de manière saisissante les risques posés par les autorités locales populistes qui stigmatisent les vendeurs de rue, les désignant comme des ennemis publics et prenant des mesures extrêmes pour les exclure de l’espace public. Le refus de l’administration d’entretenir un dialogue avec les organisations de vendeurs souligne le besoin crucial d’un dialogue social, que StreetNet et ses affiliés du monde entier considèrent comme un élément essentiel d’inclusion dans le processus décisionnel. Pendant trop longtemps, les politiques publiques ont été élaborées sans tenir compte de la voix des vendeurs de rue, leur refusant reconnaissance et droits, y compris celui à la sécurité physique et à la protection contre les menaces.
Ce cas met en lumière les dures réalités auxquelles font face les vendeurs de rue, bien au-delà du Pérou : stigmatisation, harcèlement et même menaces de mort. Ces vendeurs ne cherchent pas seulement à survivre, mais exigent des alternatives économiques, le droit d’occuper les espaces publics, la reconnaissance et, surtout, la dignité et un travail décent. Alors que nous espérons une résolution rapide de la situation à Comas, il est impératif de plaider pour des politiques qui impliquent les vendeurs de rue dans la discussion, en veillant à ce que leurs droits et leurs voix ne soient pas seulement entendus, mais également respectés, à tous les niveaux de la politique. Ce n’est que par le biais d’un dialogue inclusif et de l’élaboration de politiques que nous pouvons espérer aborder et rectifier les injustices systémiques auxquelles tous les travailleurs de l’économie informelle sont confrontés.
Toutes les citations utilisées dans cet article ont été anonymisées pour protéger l’identité des travailleurs.
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