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Tout ce que vous devez savoir sur le commerce transfrontalier informel

Les vendeurs transfrontaliers informels sont extrêmement importants pour les économies nationales, en particulier en Afrique, mais ils souffrent d’extorsion, de harcèlement et de violence. Lisez les constatations principales et les témoignages d’un projet dirigé par StreetNet visant les droits des vendeurs informels transfrontaliers pour savoir comment nous pouvons changer cette situation!

Le commerce transfrontalier représente une grande partie de l’économie informelle dans le monde. De nombreux vendeurs informels vendent des biens au-delà des frontières et font face à des obstacles spécifiques à leur situation : tout d’abord, ils ne sont souvent pas enregistrés auprès des autorités et ne sont pas reconnus par l’État. Cependant, comme beaucoup d’autres travailleurs de l’économie informelle, ils apportent une contribution essentielle à l’économie de leur pays.

StreetNet International a organisé une série de webinaires entre mars et juin 2021 pour discuter en profondeur du sujet du commerce transfrontalier informel avec ses affiliés en Afrique de l’Ouest et Afrique centrale – l’une des régions où cette forme de commerce informel est très répandue. Le projet a été réalisé avec la coopération des partenaires de StreetNet, notamment la SACBTA (Association sud-africaine du commerce transfrontalier), un partenaire expérimenté dans les questions du commerce transfrontalier informel, CSI-Afrique (organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale), OTUWA (Organisation des syndicats en Afrique de l’Ouest) et ATUMNET (Réseau syndical africain pour la migration).

L’objectif de ces webinaires était d’inciter nos affiliés à explorer les questions relatives au commerce transfrontalier, en leur permettant d’identifier les problèmes transnationaux et transversaux que les différents syndicats et associations de divers pays pourraient avoir en commun, ainsi que de déterminer leurs particularités et leurs différences.

Nous nous sommes entretenus avec Mme Evelyn Benjamin-Sampson, organisatrice de StreetNet pour l’Afrique occidentale et centrale et coordinatrice du projet sur le commerce transfrontalier informel. Le résultat de la série de webinaires a été satisfaisant, avec environ 70 personnes présentes qui ont contribué activement à la discussion. “Nous avons réussi à surmonter les difficultés techniques consistant en problèmes de connexion et les participants ont pu participer aux webinaires. Il ne s’agit pas d’une réunion orgénisée sous forme d’un cours magistral, mais d’un environnement très participatif où les affiliés et les personnes travaillant sur le terrain ont pu partager leurs luttes et établir des liens avec leurs homologues”.

De nombreux travailleurs ont eu la chance d’analyser et de partager les nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur travail quotidien. Tout d’abord, la violence et le harcèlement exercés par les autorités aux frontières.

Pourquoi les cadres juridiques actuels ne fonctionnent pas pour les vendeurs transfrontaliers informels

Selon Evelyn, l’une des causes fondamentales des abus commis par les autorités à l’encontre des vendeurs transfrontaliers informels est l’extrême manque de transparence et de responsabilité dans les processus bureaucratiques. Dans la plupart des pays, les vendeurs transfrontaliers sont soumis à des procédures longues et compliquées, qui sont rarement claires et faciles à comprendre. Cela met les fonctionnaires, y compris les autorités douanières, dans la position de demander de l’argent, des marchandises aux vendeurs transfrontaliers ou de les harceler sous le couvert de réglementations peu claires. Les attestations nécessaires pour voyager sont également très difficiles à trouver et à obtenir. La pandémie a rendu les droits de douane et les procédures beaucoup plus compliqués.

“Entre le Bénin et le Nigeria, il y a pas environ 34 postes de contrôle”, poursuit Evelyn. “Certaines personnes se retrouvent avec tous leurs biens confisqués, parce que certains fonctionnaires aux postes de contrôle profitent de leur position de pouvoir. Le harcèlement et la violence sont devenus une réalité quotidienne”.

Selon une étude réalisée par l’OTUWA, rien qu’au Nigéria, il existe jusqu’à 10 agences de sécurité différentes, qui demandent toutes aux vendeurs transfrontaliers de se conformer à des formalités bureaucratiques qui tendent principalement à être des extorsions et des pots-de-vin. Cela va de pair avec un lien d’extorsion bien établi entre les agents des douanes, de la migration, du commerce et autres agents frontaliers.

Le commerce transfrontalier, légal ou illégal, implique de faire face à la violence des autorités douanières, de la police et d’autres agents publics concernés. Des frais illégaux sont régulièrement demandés, ce qui oblige parfois certains vendeurs à cesser leurs activités.

Au cours du deuxième webinaire, consacré aux opportunités de plaidoyer en faveur du commerce transfrontalier informel, il a été signalé que certains vendeurs avaient été même arrêtés en tant qu’espions – un exemple de ce qui s’est passé lorsque des vendeurs rwandais se sont rendus dans les pays voisins. La violence ne s’arrête pas non plus après le franchissement des frontières, elle se produit également sur les marchés et les lieux d’affaires. Dans la ville nigériane d’Ibadan, près de la frontière avec le Bénin, un groupe spécial des douanes a fait une descente sur le marché où les denrées alimentaires sont vendues. Ils ont saisi six remorques chargées de riz d’origine étrangère.

“Décembre dernier, nous avons pu mener une enquête qualitative sous la forme d’un groupe de discussion avec des vendeurs transfrontaliers informels issus de plusieurs communautés frontalières du Nigeria et de la République du Bénin. Cet effort a fourni beaucoup d’informations sur la militarisation et la précarité extrême imposées à ces communautés à la suite de la fermeture de la frontière”, a expliqué Gbenga Komolafe (FIWON). “L’interdiction de la vente de produits pétroliers dans les communautés frontalières ajoute une autre tournure paralysante à la fermeture de la frontière. Cela signifie que les résidents de ces communautés doivent prendre des risques dangereux uniquement pour se procurer du carburant à usage domestique et comme source d’énergie au travail (en raison du faible réseau électrique). Les descentes intermittentes des douaniers et des forces militaires dans les maisons, les magasins et les marchés de ces zones se sont également avérés extrêmement traumatisants pour les habitants”.

En outre, environ 70 % des vendeurs transfrontaliers informels en Afrique de l’Ouest sont des femmes, ce qui les rend exposées à des formes différentes de violence sexiste. Pour beaucoup de ces femmes, le commerce transfrontalier informel est la seule opportunité économique disponible en dehors de l’agriculture. Les conséquences de Covid-19 ont eu un effet très négatif sur elles : en raison du fardeau économique de la pandémie, une grande partie de leur capital commercial a été consacrée à la prise en charge de leur foyer, car de nombreuses femmes engagées dans des activités commerciales transfrontalières informelles sont les pourvoyeuses de leurs familles.

“Le commerce transfrontalier informel n’est qu’un aspect de la culture de la vente ambulante qui domine chez les femmes pauvres dans la plupart des régions du Nigeria”, explique Gbenga Komolafe, porte-parole de la Fédération des organisations de travailleurs informels du Nigéria, l’un des participants aux séminaires. “La vente ambulante est la seule possibilité pour les femmes d’entrer dans le monde du travail et de gagner leur vie, de prendre soin de leur famille et d’interagir socialement et économiquement avec les autres. Pour la plupart des femmes provenant des communautés frontalières, le commerce transfrontalier est le seul moyen de gagner un peu leur subsistance”.

mbres de la CNTS (#Sénégal) et de la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG) se sont réunis en Guinée en 2021.

La solution : les régimes commerciaux simplifiés

Les régimes commerciaux simplifiés (récos) sont un moyen légal permettant de surmonter le manque de transparence en matière du commerce transfrontalier et donc de protéger les travailleurs de l’économie informelle. Le premier webinaire de la série a été consacré à ce type de régimes commerciaux, leur histoire et leur utilisation. Ce webinaire a été présenté par Mme Pat Horn, conseillère principale de StreetNet, et par Monsieur A.H. Tawanda, de l’Association sud-africaine du commerce transfrontalier (SACBTA), dont les efforts dans le domaine du récos remontent à 2004.

Que sont les régimes commerciaux simplifiés ? Il s’agit d’accords spécifiques, mis en œuvre pour la première fois en 2010 par le COMESA (Marché commun d’Afrique orientale et australe) qui permettent une réduction significative des charges bureaucratiques pour ceux qui, à travers les frontières, vendent des marchandises dont la valeur ne dépasse un certain montant (2000 $ par jour). Environ 90 % des bénéficiaires de ces simplifications sont des femmes. Les récos constituent un exemple de politiques sous-régionales visant les petits vendeurs informels et pourraient être défendues par les organisations de travailleurs de l’économie informelle. Des régimes commerciaux simplifiés et spéciaux peuvent réussir là où les accords de libre-échange standard régissant la circulation des biens et des personnes échouent, et protéger ainsi les plus vulnérables.

Les vendeurs transfrontaliers informels se réunissent pour prendre place à la table et faire entendre leurs revendications

Au cours de ces webinaires, un appel fort a été lancé en faveur d’une collaboration transnationale entre des organisations partageant les mêmes idées. Cela était vrai tant pour la phase de partage d’expériences et de défis communs que pour l’identification des points clés des négociations avec les autorités et des recommandations politiques. Il a été noté qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, parmi les principaux interlocuteurs pour le travail de lobbying et de plaidoyer, il y aurait la CEDEAO, la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest et la Zone de libre-échange continentale africaine : ces organisations pourraient être les organisations-cibles pour adresser les demandes politiques concernant les vendeurs transfrontaliers informels. Plusieurs suggestions pratiques ont également été faites : installer des guichets d’information aux frontières afin d’informer les vendeurs de leurs droits prévus par les récos et mettre en place des bureaux d’assistance aux vendeurs ayant besoin d’aide le long des frontières, demander de nouvelles procédures simplifiées pour délivrer les passeports et éliminer la demande de visas à l’arrivée.

Brochure résumant les demandes des affiliés concernant le commerce transfrontalier informel

Le troisième webinaire était entièrement consacré au renforcement des capacités et aux techniques de négociation. Mme Pat Horn, s’appuyant sur sa vaste expérience en tant que fondatrice de StreetNet et syndicaliste, a souligné les trois règles d’or de la négociation avec les autorités : ne jamais négocier seul, ne jamais conclure un accord sans un consentement des autres membres et maintenir l’unité pendant la négociation.Le quatrième webinaire portait sur le thème de la planification des négociations bilatérales avec les autorités. Les réunions bilatérales pourraient être organisées par des affiliés basés dans deux États qui partagent une frontière et des responsables publics et des agents de douane. Les participants ont partagé leurs expériences dans l’identification des frontières critiques, ainsi que dans la progression du dialogue inter-organisationnel et des pourparlers officiels. Les frontières sur lesquelles le travail a commencé jusqu’à présent sont les suivantes : Togo – Bénin, Bénin – Niger, Burkina Faso – Côte d’Ivoire, Guinée – Sénégal, Bénin-Nigéria, RDC-Burundi-Rwanda, RDC-Congo-Brazzaville, RDC-Angola et Ghana-Togo. Les rencontres et les échanges se poursuivront au cours de la deuxième phase du projet, en février et mars 2022, et au-delà.

Les organisations qui ont participé aux webinaires ont pu planifier des actions de plaidoyer pour améliorer les conditions de travail de leurs membres, dont FIWON.

Membres de la FETTEI-CI (Côte d’Ivoire) et du SYNAVFL (Burkina Faso) réunis en 2021

“Nous avons l’intention d’attirer l’attention du public sur cette situation par le biais d’une campagne médiatique, de visites de plaidoyer auprès du département des douanes, du parlement local et du gouvernement de l’État en vue d’une amélioration urgente de la terrible situation dans les communautés frontalières. Nous avons également l’intention de visiter le bureau de la CEDEAO à Abuja dans le cadre de nos efforts de plaidoyer pour obtenir des changements urgents”, dit Gbenga.

Selon Evelyn Benjamin-Sampson, les principaux résultats obtenus comprennent l’identification de problèmes communs et divers, la possibilité de faire des recherches sur le terrain et de recueillir des informations, ainsi que la possibilité de former des alliances transfrontalières pour pouvoir résoudre les problèmes liés au commerce transfrontalier informel. Madame Marcelline Adopo, de FETTE-ICI, l’une des organisations affiliées à StreetNet en Côte d’Ivoire, qui a également participé à la série de webinaires, a convenu du fait que cette initiative les a aidés à “comprendre les vrais problèmes auxquels les vendeurs de rue et les itinérants sont confrontés aux frontières, à mieux connaître l’expérience des autres pays, et nous a donné une bonne compréhension des accords existants entre les pays différents”. La FETTEI-CI a également déclaré qu’elle prévoyait de faire avancer la recherche afin d’entamer des négociations avec les autorités.

Le commerce transfrontalier informel est l’un des domaines les plus difficiles pour les travailleurs de l’économie informelle, et ce pour diverses raisons : il est influencé par la situation aux frontières et par la politique internationale ; il est très risqué pour les personnes qui y travaillent et, pour favoriser un changement significatif, ces problèmes doivent être abordée par plusieurs pays et organismes publics.

L’objectif de StreetNet est de continuer à soutenir ses membres dans la réalisation de leur principale demande : protéger les vendeurs vulnérables des nombreuses formes de violences qu’ils subissent et faire du commerce transfrontalier une source fiable de travail décent et de revenus stables.

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