Jonathan Crush – New Age
La sécurité alimentaire est principalement une question d’accessibilité plutôt que de production, ce qui explique pourquoi les niveaux de la faim et de la malnutrition dans les villes d’Afrique du Sud sont alarmants malgré l’abondance des supermarchés et autres magasins d’alimentation.
Le Réseau Africain Urbain pour la Sécurité Alimentaire a constaté dans ses études sur les niveaux de sécurité alimentaire dans 11 villes en Afrique Australe – que l’absence d’une source de revenu fiable constitue le principal obstacle à l’accès des pauvres urbains aux aliments. Comme dans le reste du monde en développement, les entreprises agro-alimentaires sont en train de changer le visage de l’approvisionnement alimentaire urbain en Afrique. Pour faciliter cette tendance, l’Etat s’est généralement retiré de la commercialisation des aliments et de leurs subventions.
Si l’évidence provenant d’autres parties du monde peut servir de guide, ce sont ces chaînes alimentaires agro-industrielles, et non pas les petits agriculteurs qui sont essentiels à la sécurité alimentaire en milieu urbain. Le mieux que les petits agriculteurs peuvent espérer c’est une forme d’intégration dans ces chaînes, pourtant c’est toujours plus probable que ceci se fasse dans des conditions qui sont plus avantageuses à l’entreprise qu’au fermier.
Ces entreprises prétendent aider les communautés africaines à assurer leur sécurité alimentaire et beaucoup aident à répondre aux besoins essentiels en temps de famine, ainsi qu’offrir de la nourriture aux écoles et soutenir des projets communautaire agricoles et d’autres initiatives. Mais quel que soit l’efficacité de leurs stratégies de responsabilité sociale, ils ne doivent pas détourner l’attention du fait que l’objectif principal de l’industrie agro-alimentaire est de faire des bénéfices, et non réduire l’insécurité alimentaire des populations urbaines pauvres.
Une critique commune de la montée en puissance et la portée des supermarchés à travers le monde c’est qu’ils ont un impact négatif important sur la disponibilité alimentaire pour les pauvres par l’éradication de petites boutiques et des marchés locaux destinés au consommateur pauvre. Les défenseurs de l’industrie agro-alimentaire et des supermarchés font valoir que le grand pouvoir d’achat des supermarchés et des économies d’échelle profitent aux pauvres urbains en raison des prix plus bas et profitent aussi aux pauvres en milieu rural à travers les petits exploitants agricoles qui ont un marché nouveau et prêt. Mais, bien que les supermarchés sont plus visibles et offrent des aliments moins chers, les pauvres urbains n’y achètent pas nécessairement. Ils n‘ont pas la capacité de profiter des rabais liés à l’achat en gros, n’ont pas des frigidaires, ce qui leur permettrait d’acheter moins fréquemment et souvent les supermarchés sont à une grande distance de là où ils vivent. Ceci veut dire que les marchés informels, les vendeurs de rue, les vendeurs d’aliments et les spazas sont des sources importantes d’aliments dans toute l’Afrique australe. Pourtant, un harcèlement continuel, surtout de bas niveau, des commerçants informels semble être omniprésent dans toutes les villes africaines.
Cette étude de 11 villes a révélé que les ménages urbains pauvres achètent leurs aliments à partir des sources très variées. Le résultat le plus frappant était que 79% des familles pauvres dans toutes les villes qui ont fait l’objet de l’étude, achètent leurs aliments dans les supermarchés. Ceci illustre à quel point les supermarchés ont pénétré même les communautés urbaines les plus pauvres de la région. Les supermarchés étaient importants pour plus de ménages que les deux autres principales sources d’aliments: le secteur informel (utilisé par 70% des familles) et les petits points de vente tels que les dépanneurs, les cafés, les restaurants et les fast-foods (utilisé par 68%). Cependant, le secteur informel est fréquenté plus souvent que les supermarchés. Près d’un tiers des ménages achète de la nourriture tous les jours aux marchés informels et aux vendeurs de rue, suivis par les petits points de vente (22% des ménages tous les jours), tandis que seulement 5% fréquentent les supermarchés aussi souvent. Avec de larges sommes d’argent qui sont jetés dans la recherche sur la sécurité alimentaire par les organisations internationales et les gouvernements nationaux, il convient de se demander combien est consacré à la compréhension de l’un des conducteurs essentiels du changement (les chaînes d’approvisionnement agroalimentaire) et quel rôle ils jouent et pourraient jouer dans la lutte contre l’insécurité alimentaire en milieu urbain?
À présent, la plupart des discussions sur l’implication du secteur privé semble se concentrer sur ce secteur comme fournisseur d’intrants aux petits fermiers. C’est une vision myope qui détourne l’attention de ce qui se passe sur le terrain.
En Afrique australe, une politique axée sur programme de recherche sur l’industrie agro-alimentaire et la sécurité alimentaire en milieu urbain devrait tenir compte des questions telles que les débouchés pour les producteurs alimentaires urbains pour tirer un revenu grâce à l’intégration dans les chaînes d’approvisionnement alimentaires formelles, les déterminants de la fixation des prix des produits alimentaires frais et transformés en chaînes modernes de valeur, puisque le coût des aliments achetés est un déterminant important de l’accessibilité alimentaire pour les pauvres urbains, et l’impact des supermarchés sur la nutrition, les régimes e préférences alimentaires urbains. Aussi, bien que l’informalité est en réalité le “jeu principale en ville”, il y a un fort sentiment que les gouvernements ne veulent pas jouer.
La contribution que les vendeurs de rue apportent à l’économie des villes et aux besoins en sécurité alimentaire des pauvres doit être mieux comprise par les décideurs politiques et le commerce de rue doit être considéré davantage comme un défi de développement économique qu’une question de gestion urbaine.
Crush est le Président du CIGI pour les migrations mondiales et le développement à la Balsillie School of International Affairs et Professeur honoraire à l’Université de Cape Town
Source de l’article: Journal en ligne New Age