L’Instrument de Sécurité Sociale (MEI) au Brésil et sa relation avec les vendeurs de rue

Par StreetNet International
10 décembre, 2013
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Par Maira Vannuchi

Au Brésil, nous avons une politique de sécurité sociale nouvellement créée pour les travailleurs du secteur informel. Le gouvernement fédéral a créé cette politique de formalisation en 2008 pendant le deuxième mandat du gouvernement du PT (Parti Travailliste).

Le MEI, une abréviation pour Individu Micro Entrepreneur, est un enregistrement qui offre beaucoup d’avantages aux travailleurs du secteur informel. Simple, peu coûteux et pas bureaucratique, le MEI offre d’excellents avantages tels que tout travailleur du secteur informel qui contribue mensuellement va obtenir une importante couverture du système de sécurité sociale, comme par exemple la pension de retraite ou d’infirmité. En plus, le MEI permet au travailleur de créer une entreprise à travers l’Internet, et éviter ainsi les frais d’enregistrement. Le MEI a réussi à engager un employé, avoir accès aux services bancaires, y compris le crédit et la réduction des taxes. En plus, le gouvernement fédéral offre un soutien technique à travers SEBRAE, une organisation publique qui soutient des projets commerciaux.

Nous ne pouvons pas nier que cette politique d’enregistrement est très intéressante et que c’est un excellent modèle pour les pays qui cherchent à formaliser leurs travailleurs informels. Toutefois, ceux qui connaissent profondément et étroitement les problèmes quotidiens rencontrés par les vendeurs de rue du Brésil pensent que pour eux ce modèle, bien que bénéfique, est erroné et contradictoire.

A Rio de Janeiro par exemple, le ministère municipal du travail, en suivant les directives du gouvernement fédéral, encourage et offre l’opportunité aux vendeurs de rue de se faire enregistrer au MEI. Néanmoins, plus de 5000 vendeurs de rue qui ont été formellement enregistrés comme MEIs (devenus des entrepreneurs avec une contribution mensuelle pour le système de sécurité sociale) n’ont pas de permis pour vendre dans les rues. Le MEI est une politique nationale de formalisation qui englobe tous les commerçants informels, mais ne peut pas garantir du travail aux vendeurs de rue. Comme le Brésil est une fédération, la terre urbaine et le droit de l’occuper à quelques fins que ce soit, sont réglementés par les gouvernements municipaux. Ainsi, le MEI comme politique nationale permet aux vendeurs de rue d’avoir une couverture de sécurité sociale et des conditions de commerce satisfaisantes. Cependant, il (MEI) ne leur garantit pas le droit de travailler dans la rue. Il n’a donc pas aucun rapport avec les conditions réelles de travail, et a donc pour but de formaliser et non de réglementer la vente de rue.

La vente de rue à Rio de Janeiro et dans beaucoup d’autres villes du Brésil se fait de façon irrégulière, parce que le nombre de licences existantes est beaucoup plus faible que le nombre de vendeurs. Cette situation entraîne la criminalisation et la persécution des travailleurs dans ce secteur. Les mêmes travailleurs qui sont délégitimés et méprisés par les autorités municipales sont, pour le gouvernement fédéral et le département fiscal, des travailleurs formels.

Même si le MEI indéniablement offre des garanties et avantages pour les travailleurs, il n’améliore pas les conditions de travail des vendeurs de rue, et de surcroit, ne garantit pas leur droit de travailler. Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser aux contradictions dans toute cette situation institutionnelle: le gouvernement crée un dispositif pour la collecte de la taxe auprès des vendeurs de rue et l’adapte à leurs conditions d’emploi, mais ne prend aucune responsabilité en rapport avec le travail décent et le droit du travail. Penser à une politique de sécurité sociale qui soit plus satisfaisante aux vendeurs de rue nécessite une attention sur ce qui se passe à ces travailleurs, comprendre leur monde d’expertise et, plus important de tous, les entendre. Au Brésil, il n’y a pas (et il n’y a jamais eu) un espace institutionnel de dialogue entre le gouvernement fédéral et les vendeurs de rue. Une politique nationale intégrante de formalisation ne devrait pas s’occuper seulement de la question de la réglementation, mais aller plus loin, réfléchir au sujet de l’octroi de licences et les conditions de travail des commerçants informels et réfléchir sur le concept d’entrepreneuriat offert par le MEI.

Le Brésil est un pays dont le développement économique est basé sur le modèle des usines soutenu par l’idée de l’emploi total. La crise du travail formel et l’accroissement de l’informalité apparaît de plus en plus comme un échec qui doit être corrigé (c.à.d. le résorber dans le secteur formel) à n’importe quel prix. La question devient donc plus sérieuse quand on voit que même le mouvement syndical est en train de soutenir la fin de l’informalité et choisit d’ignorer toute initiative d’organiser les travailleurs du secteur informel, lutte exclusivement pour l’accroissement de l’emploi formel dans des secteurs comme la construction, le commerce, le transport, etc.

Ça devient plus difficile de se battre pour travailler dans des espaces publics quand nous ne voyons aucun effort des syndicats visant à organiser les travailleurs du secteur informel, mais de l’autre côté, nous voyons beaucoup d’énergie investie dans l’extinction du travail informel et l’inclusion de ses travailleurs dans le système du secteur formel. Le résultat de cette conjecture est une plus grande fragmentation des organisations de travailleurs informels, et une politique nationale qui, sans surprise individualise les vendeurs de rue, vend une fausse idée que le micro-entrepreneur est une personne qui, avec un soutien approprié, une formation et des opportunités d’affaires, va certainement croître.

Ce que nous qui sommes du côté des pauvres urbains et des mouvements sociaux devons comprendre c’est que les vendeurs de rue ne peuvent obtenir les conditions de travail favorables qu’en s’organisant, en s’unissant et en coopérant les uns avec les autres pour lutter collectivement pour le droit du travail, le droit à la rue et le droit à la ville, qui continue de plus en plus à faire disparaitre les traces de la pauvreté. Nous devons faire comprendre aux gens que la "croissance" n’est pas une question de "volonté" et d’"investir du temps et de l’énergie", mais que nous vivons dans un système économique qui crée la pauvreté, exploite les travailleurs et ne donne pas l’égalité d’opportunités.

Nous avons beaucoup à apprendre de nos frères d’Asie et d’Afrique, qui, malgré toutes les difficultés, sont des modèles d’organisation politique des travailleurs du secteur informel et ont réussi à faire légitimer et reconnaitre les vendeurs de rue en tant que sujets vitaux de l’économie sociale de leurs pays.

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