Mme Angélique Kipulu Katani est actuellement membre-auditeur du Comité exécutif de StreetNet. Elle est devenue dirigeante accomplie du mouvement syndical et une ardente défenseuse des droits des femmes dans son pays d’origine, République démocratique du Congo, et au-delà. Sa principale priorité est maintenant la défense des droits des travailleuses informelles, en particulier, les vendeuses de rue et celles du marché.
Une femme dirigeante du mouvement syndical
Angélique est la fille la plus cadette dans la famille de quatorze frères et sœurs. Elle a grandi sur le territoire de Masi-Manimba en République démocratique du Congo, dans sa ville natale de Saka. Son père travaillait dans une entreprise de la ville et sa mère était ménagère. Étant jeune fille, Angélique a fait ses études dans une école catholique et a réussi à terminer ses études secondaires avec une spécialisation en commerce et administration. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle s’est mariée et a eu trois enfants : deux fils et une fille. Cependant, peu de temps après, elle a divorcé.
En tant que jeune mère célibataire avec trois enfants à sa charge, Angélique a décidé de venir chercher du travail dans la capitale de Kinshasa et a été employée par une entreprise spécialisée dans le transport maritime. Parallèlement, elle s’est inscrite à l’Institut Supérieur de Commerce de Kinshasa pour étudier les sciences commerciales et administratives et devenir spécialiste en comptabilité.
Faisant preuve de sa détermination et de son éthique de travail, Angélique a terminé son cursus en quatre ans tout en travaillant et en s’occupant de ses enfants. Elle se souvient à quel point son emploi du temps était chargé à cette époque : « J’étais allée travailler le matin. À 16 heures, je devais aller à l’Institut pour suivre les cours. Je ne rentrais à la maison qu’à 20 heures, après les cours ». Malgré le fait qu’elle a dû effectuer plusieurs tâches en même temps, Angélique a reçu son diplôme avec la mention « très bien ».
Dans le même temps, elle a commencé à s’impliquer dans le mouvement syndical et est devenue membre de la Confédération syndicale du Congo (CSC). Après quelques années, elle a été élue déléguée syndicale dans l’entreprise pour laquelle elle travaillait. Les quatre autres délégués étaient également des femmes. Plus tard, son travail a été reconnu par le CSC et elle est devenue la représentante permanente au Département des femmes de la ville de Kinshasa.
Elle a continué à évoluer en tant que jeune dirigeante syndicale et a commencé à représenter le CSC au niveau international. En 1996, elle a été élue membre de la Commission des femmes de l’Organisation Démocratique Syndicale des Travailleurs Africains – ODSTA, une alliance panafricaine de syndicats. En 1998, elle a également été membre élue du Conseil général et du Comité exécutif de la Confédération mondiale du travail – CMT. Selon Angélique, son ascension fulgurante était en partie due à l’absence d’autres femmes dirigeantes à l’époque. « Il n’y avait pas assez de femmes dans les syndicats qui auraient pu postuler pour accéder à de tels postes », explique-t-elle.
Chaque année, elle assistait à la Conférence internationale du Travail à Genève en tant que représentante de l’une de ces organisations. Là-bas, elle a commencé à prendre note des demandes fréquentes d’organiser les travailleurs de l’économie informelle et de les faire participer au mouvement des travailleurs.
Organisation des travailleuses de l’économie informelle et l’adhésion à StreetNet
En 2006, Angélique était vice-présidente de la CSC. Elle était chargée de la gestion financière de la confédération syndicale et responsable du Département des femmes. Les demandes de l’ODSTA au niveau régional pour organiser les travailleurs de l’économie informelle augmentaient, c’est pourquoi Angélique a décidé de passer à l’action. « J’ai commencé à visiter les marchés et à contacter des vendeuses de rue pour que nous puissions nous organiser. Je leur parlais, leur expliquais le rôle des syndicats et les invitais à travailler ensemble », se souvient-elle.
Cette même année, l’ODSTA lui a donné un budget de 4 000 dollars américains pour organiser une activité à destination des travailleuses de l’économie informelle et expliquer pourquoi les syndicats étaient intéressés à travailler avec elles. Ainsi, elle a organisé une activité pour 30 femmes des marchés différents. Après cette activité, elles ont rédigé un plan sur la manière de travailler avec toutes ces femmes des secteurs différents. « Oui, elles étaient toutes vendeuses, explique Angélique, mais concentrées sur différents types de produits ».
Parallèlement, Angélique travaillait également en tant que défenseuse des droits des femmes. En 1999, avec d’autres camarades, elle a fondé la Ligue des droits des femmes congolaises, une organisation centrée sur les droits des femmes, indépendamment de la CSC. En raison de son rôle d’organisatrice des travailleuses de l’économie informelle, celles-ci ont commencé à devenir le principal objectif du LDFC.
« Nous défendons les femmes de l’économie informelle dans notre structure, car nous pensons que ces femmes sont démunies de la défense », explique-t-elle, « plus de 80% de l’économie de notre pays est informelle, et plus de 80% des travailleurs de l’économie informelle sont femmes. C’est pourquoi, nous travaillons avec elles pour pouvoir les soutenir ».
En 2007, Angélique participait à la Conférence internationale du travail à Genève lorsqu’un camarade de Guinée l’invita à un échange avec Pat Horn, coordinatrice internationale et fondatrice de StreetNet. C’est alors que l’idée de rejoindre StreetNet a émergé chez LDFC et, à la fin de l’année, LDFC est officiellement devenue l’affiliée de StreetNet International.
En tant qu’affiliée de StreetNet International, LDFC est toujours restée activement impliquée. Ensemble, ils ont coorganisé des activités au Congo et LDFC a bénéficié du soutien financier et du renforcement des capacités de la part de StreetNet. En 2019, Angélique a été élue Membre-Auditeur du Comité Exécutif lors du 6ème Congrès International de StreetNet.
Défense des droits des femmes au Congo et au-delà
Angélique est restée une ardente défenseuse des droits des femmes pendant toutes ces années. En plus de diriger la LDFC, elle est également responsable de la Coalition des femmes pour la paix et le développement. Chaque fois qu’elle défend les droits des femmes, elle s’assure de se concentrer sur la situation précaire des vendeuses de rue.
« Les droits des femmes sont bafoués partout », déclare-elle. « Avec tout ce qui se passe dans le contexte de la violence contre les femmes, en particulier dans notre pays, où il y a la guerre et d’autres problèmes, les femmes sont constamment maltraitées. Celles qui travaillent dans l’économie informelle, ou celles qui sont vendeuses, sont bousculées par la police, par les autorités municipales… et leurs droits sont bafoués ».
Grâce à l’activisme infatigable d’Angélique et celui de ses camarades, la LDFC est reconnue comme une organisation ayant la voix de premier plan pour défendre les droits des femmes au Congo, travaillant en étroite collaboration avec le ministère du Genre, Famille et Enfant.
L’organisation fait également partie de plusieurs plates-formes internationales, dont WIEGO et FEMNET. En outre, la LDFC a acquis le statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), ce qui permet à l’organisation de faire entendre sa voix lors des forums internationaux sur les droits de l’Homme au plus haut niveau.
Compte tenu de la manière dont les droits des femmes ont guidé la vie d’Angélique, il n’est pas étonnant que son conseil aux jeunes femmes soit de « toujours défendre les droits des Femmes ». Comme elle l’explique, ces droits « sont essentiels pour toutes et tous. Si nous sommes ignorants, nous ne comprenons rien et nous ne pouvons pas défendre nos droits ». C’est ce qu’Angélique tente de faire à travers la LDFC, « porter ces messages et ce savoir aux femmes pour leur faire savoir que, même si elles sont dans une situation difficile, elles ont leurs droits, elles doivent savoir se défendre. Et nous leur fournissons les outils dont elles ont besoin pour le faire et faire ce qui doit être fait ».
Angélique comprend également qu’il est essentiel d’encourager les jeunes femmes à faire partie du mouvement. « Là où je travaille, je suis la plus âgée », déclare-t-elle, « nous encourageons les jeunes femmes. Quand nous allons sur le terrain et les jeunes femmes voient que nous travaillons avec les jeunes, elles nous rejoindront plus facilement pour défendre leurs droits ».
L’œuvre de la vie d’Angélique illustre à quel point les droits des femmes et les droits des travailleurs de l’économie informelle sont intimement liés. C’est un témoignage de ce que les femmes peuvent accomplir lorsqu’elles deviennent leaders à part entière et la façon dont les femmes leaders peuvent aider les autres à suivre leurs traces.