Les travailleurs qui inspirent : Jamaladdin Ismayilov
Monsieur Jamaladdin Ismayilov, également connu sous le nom de Jamal, est l’actuel secrétaire de StreetNet International. Depuis son jeune âge, lorsqu’il était travailleur de l’économie informelle, jusqu’à l’époque quand il est devenu syndicaliste défendant les droits des vendeurs de rue et des vendeurs du marché, Jamal restait toujours le père de famille dévoué et partisan du respect de la déontologie stricte.
Un jeune vendeur passionné de la vente d’eau
Jamal est né dans un village montagneux de Slavyanka, en Azerbaïdjan, ainsi que son frère jumeau, Fakhraddin. Il a passé son enfance dans cette région avec ses parents, son frère jumeau et ses deux sœurs, en fréquentant l’école rurale et en pratiquant le pâturage et l’agriculture. Même si les conditions étaient difficiles et sa famille était pauvre, Jamal se souvient avec amour de ses souvenirs d’enfance et en parle avec tendresse. « Je me souviens surtout des promenades avec mes amis à travers nos belles montagnes », – dit-il, « il est intéressant que même si nous n’étions pas riches, nous fussions heureux et amicaux ».
Il était courant à l’époque que les enfants aidaient leurs parents à gagner leur vie. Jamal a aidé ses parents à planter et à récolter des pommes de terre. « Nous étions une famille et devions aider nos parents dans tout », – explique-t-il. Le père de Jamal travaillait dans le commerce. Le moment venu, Jamal et son frère l’ont rejoint et sont également devenus vendeurs. Chaque jour, après les classes, Jamal allait au marché et faisait du commerce avec son père. C’est à cette époque qu’il est devenu, selon ses propres mots, passionné de la vente d’eau.
« Laissez-moi vous expliquer », – dit-il, « à deux kilomètres de notre village, de l’eau gazeuse jaillissait de sous terre. C’était un spectacle magnifique, que tout le monde appelait Narzan, et qui s’appelle encore ainsi jusqu’à nos jours. Alors, j’ai vu que beaucoup de gens dans le village adoraient boire cette eau et j’ai décidé d’aller à cette source le matin et de remplir des dizaines de bouteilles de cette eau. Je les ai amenées au village pour vendre ces bouteilles d’eau de source (qui était très fraîche) pour 10 à 15 kopecks par litre !
En travaillant sur le marché, la famille a réussi à faire des économies pour acheter des vêtements, des fournitures pour la maison et pour construire une nouvelle maison. Lorsque Jamal avait quinze ans, lui et sa famille ont réussi à construire une nouvelle maison de cinq pièces grâce à leur propre travail et tout l’argent qu’ils avaient réussi à économiser en vendant sur le marché.
Une fois que Jamal et son frère ont terminé l’école, leur père leur a donné 120 roubles à chacun et leur a fait un avertissement et un encouragement : « Il n’y a plus d’argent. Quoi que vous souhaitiez faire, essayez d’entrer dans un établissement d’enseignement supérieur et faire des études. Sinon, blâmez-vous – vous paîtrez des moutons dans le village ».
Jamal et son frère ont suivi les conseils de leur père. Avec cinq autres jeunes du village, ils ont quitté leur domicile pour se rendre vers la ville de Kharkov, en Ukraine. Comme l’explique Jamal, Kharkov, avec plus de 23 instituts d’enseignement supérieur, était la ville la plus universitaire en URSS.
Bâtir la vie pour soi-même et pour sa famille
Jamal et son frère se sont tous deux inscrits à l’Institut du génie civil de Kharkov. Jamal avoue qu’il a fait recours à son frère pour passer l’examen de mathématiques. En fait, Fakhraddin, étant son jumeau indiscernable, a pris la place de Jamal lors de l’examen écrit et oral. « C’est un bon gars, grâce à lui, j’ai eu de bonnes notes », – dit Jamal, « mais quand il a dû passer son propre examen, le résultat a été inférieur ! ».
Jamal a obtenu son diplôme en génie civil industriel et est devenu spécialiste certifié. Il a été envoyé travailler à Uralsk, une ville de la région nord-ouest du Kazakhstan. Au cours de sa carrière, il a évolué de contremaître à ingénieur en chef, à chef de service et à organisateur responsable du Comité régional du Komsomol pour les équipes de construction étudiantes. Pendant cette période, Jamal était également instructeur du comité du parti de la ville.
Puis, sa carrière a été brièvement interrompue par le service militaire. Pendant un certain temps, Jamal a servi dans l’armée soviétique en tant qu’officier. Après, il est retourné au travail en tant qu’instructeur du comité municipal du Parti communiste et assistant du président du comité exécutif municipal.
Ce n’est qu’en 1987 que Jamal est rentré dans son pays natal, Azerbaïdjan. Depuis 1992, il travaille pour un syndicat et est fier de ces réalisations, surtout, en ce qui concerne sa famille. « J’ai une famille merveilleuse. J’ai deux filles et un fils. Les deux filles sont chirurgiennes et mon fils fait ses études dans un institut et occupe une fonction du responsable dans une entreprise étrangère », ajoute-t-il.
Rejoindre StreetNet International et défendre les vendeurs de rue
Bien que l’un de ses premiers emplois, lorsqu’il était jeune, ait été celui du vendeur de marché, Jamal n’a fait la connaissance de StreetNet International que par l’intermédiaire de Pat Horn, sa coordinatrice internationale et fondatrice, actuelle conseillère principale de l’organisation, en 2011. En 2011, Pat a organisé un événement sur l’économie informelle à Tbilissi, Géorgie, et c’est grâce à cet événement que Jamal a découvert les activités de l’organisation. Après un certain temps, en 2012, Xhidmat-ISH, la Fédération des syndicats d’Azerbaïdjan, est devenue affiliée à StreetNet.
Cependant, Jamal semble n’avoir compris l’impact de StreetNet International qu’après avoir assisté au Congrès international au Chili, en 2013. « Nous avons réalisé l’importance de cette organisation dans la vie des vendeurs de rue et du marché, en particulier, ceux qui travaillent dans l’économie informelle », – explique-t-il. « Lorsque nous avons rejoint Street-Net et étudié en profondeur l’expérience d’autres pays, nous avons réalisé que chez nous, les vendeurs de rue sont également confrontés aux problèmes d’humiliation et de violence. Il n’est pas rare qu’ils soient chassés des lieux de commerce, que leurs marchandises soient détruites, etc. Tout cela a incité « Xhidmat-ISH » à mener plus résolument la lutte pour défendre les droits des vendeurs de rue et du marché ».
Une situation qui a impressionné Jamal et l’a aidé à comprendre le sort des vendeurs de rue dans sa région était celle de les voir vendre leur bien sous la pluie, sans aucune condition adéquate pour travailler. Jamal, avec ses camarades, a décidé de passer à l’action.
Ils ont saisi la municipalité locale pour plaider en faveur de conditions de base pour ces travailleurs et du respect de leur dignité. « A notre grande surprise, notre persévérance a eu l’effet », – dit fièrement Jamal, «et en un mois, un hangar et des toilettes ont été construits pour ces vendeurs du marché ». Ensuite, ils ont investi dans le placement de vendeurs ambulants sur les marchés de certaines régions d’Azerbaïdjan, ce qui leur a permis de travailler sur un pied d’égalité avec d’autres vendeurs.
Encouragement et conseils pour défendre les droits des vendeurs de rue
Depuis son plus jeune âge, Jamal a toujours été préoccupé par la responsabilité familiale. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’il conseille aux jeunes vendeurs de rue et aux agents publics locaux d’entrer en contact avec les vendeurs de rue dans leur travail, de « ne jamais oublier, en aucune circonstance, que chaque vendeur a la responsabilité de fournir de la nourriture à ses enfants et à sa famille ». Jamal encourage les jeunes vendeurs de rue à être « miséricordieux et respectueux les uns des autres, lutter pour leurs droits sans humiliation ni insulte ! »
Pour Jamal, la sensibilisation est la clé pour défendre les droits des vendeurs de rue. Comme il l’affirme, il est nécessaire de « mener davantage d’action de plaidoyer afin d’informer la communauté mondiale et les organisations internationales compétentes sur la triste et horrible situation des vendeurs de rue et ceux du marché, ainsi que sur leur importance globale dans notre vie actuelle ». Résoudre les problèmes des vendeurs de rue, selon lui, est une étape importante vers la lutte contre la pauvreté et la faim à l’échelle mondiale.
Jamal se souvient avoir regardé les étoiles et avoir pensé à parcourir le monde, lorsqu’il était un jeune garçon du village : « quand j’ai vu un avion voler dans le ciel, je me demandais toujours si j’aurais la chance de voler dans ce ciel dans un avion, et encore plus loin ? ». Ce jeune garçon serait certainement ravi de savoir jusqu’où Jamal ira et tout ce qu’il pourra accomplir.