Renforcement de l’économie informelle en Eswatini : Discussion avec Mathokoza Sikhondze, le coordinateur national de la CIEAES
La Coalition pour les associations de l’économie informelle d’Eswatini (CIEAES) est l’une des récentes organisations à avoir rejoint StreetNet, devenant officiellement membre de notre alliance mondiale en mars 2024. Située en Eswatini, ce petit pays d’Afrique australe est voisin du Mozambique et de l’Afrique du Sud. Nous avons échangé avec le camarade Mathokoza Sikhondze, coordinateur national de la CIEAES, sur l’histoire et les perspectives futures de son organisation.
La CIEAES a pour mission de plaider en faveur des droits et du bien-être des travailleurs de l’économie informelle dans l’Eswatini. Son objectif est de leur offrir un soutien et des ressources pour améliorer leurs conditions de travail et leurs perspectives économiques. Grâce à un encadrement des membres de base et à des partenariats stratégiques, la CIEAES s’efforce d’autonomiser ses membres et d’influencer les changements politiques aux niveaux national et régional.
Camarade Mathokoza, pouvez-vous nous parler un peu de votre organisation ?
Avec 84 associations membres dispersées dans plusieurs régions du pays et près de 15 000 membres en constante augmentation, la CIEAES représente divers secteurs tels que la vente ambulante, le commerce informel, le travail domestique et l’agriculture. Établie en 2006, notre organisation au départ a été considérée par le gouvernement comme une menace, mais nous avons désormais développé d’excellentes relations avec les autorités à l’échelle nationale.
Quelles sont les principales activités entreprises par la CIEAS en coopération avec le gouvernement ?
Récemment, nous nous sommes focalisés sur la protection sociale, qui constitue l’un des enjeux majeurs pour les travailleurs de l’économie informelle à l’échelle mondiale. Nous avons collaboré avec le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Les résultats d’une étude à laquelle nous avons contribué ont été rendus publics en décembre 2023, dans un rapport dédié à l’extension de la protection sociale aux travailleurs de l’économie informelle, servant de première approche pour le gouvernement. Il était crucial pour nous, en tant que représentants des travailleurs, de participer à ce projet. Nous avons observé que l’un des plus grands défis rencontrés par les vendeurs est l’irrégularité de leurs contributions, en raison de la nature précaire de leurs activités. Les vendeurs informels n’ont pas toujours la capacité de verser leurs contributions régulièrement, car ils ne bénéficient pas d’un revenu stable et garanti, contrairement à ceux de l’économie formelle.
Membres de la CIEAES. Crédits photographiques : CIEAES
Quels sont les autres domaines ou projets sur lesquels vous avez travaillé, à part la protection sociale ?
Au sein de CIEAES, plusieurs coopératives dirigées par des femmes ont vu le jour, créées et gérées par des vendeuses de rue. Ces femmes unissent leurs redevances pour faire croître leur activité et couvrir leurs frais. Le syndicat leur propose un accompagnement pour formaliser ces coopératives, établir un registre et explorer des méthodes innovantes de développement. Nous avons également été très engagés dans le secteur du commerce transfrontalier informel, avec plusieurs membres agissants en tant que vendeurs entre l’Eswatini et le Mozambique ou l’Afrique du Sud.
Un des défis majeurs des vendeurs transfrontaliers informels réside dans l’absence de documents appropriés et de reconnaissance légale, ce qui peut conduire à un harcèlement et à une exploitation fréquente de la part des agents frontaliers. De plus, les vendeurs sont fréquemment confrontés à des variations des taux de change et des droits de douane, ce qui affecte leurs bénéfices de façon imprévisible. L’accès limité aux financements et aux réseaux d’accompagnement entrave également leur capacité à développer leurs activités et à rester compétitifs sur des marchés plus larges.
Consultation sur les régimes de commerce simplifiés en Eswatini. Crédits photographiques : CIEAES
Au Mozambique, l’un des enjeux majeurs est l’absence du pays au sein du Comesa, Marché commun de l’Afrique orientale et australe. Par ailleurs, la langue constitue une barrière importante. Les vendeurs prennent souvent beaucoup de temps pour finaliser les démarches douanières. En Afrique du Sud, la problématique varie, se concentrant surtout sur le coût des biens et un taux de change peu favorable. Nous avons récemment achevé un projet, en décembre 2023, visant à faciliter les procédures aux frontières, notamment avec le Mozambique.
Pouvez-vous nous parler des initiatives sur lesquelles vous êtes engagés en ce moment ?
Nous nous penchons sur les enjeux de la protection sociale et du commerce transfrontalier. Nous sommes également très fiers d’appartenir à StreetNet et de faire partie d’un réseau mondial. Nous avons prévu un événement en collaboration avec la municipalité de Mbabane. Cet événement a pour but de promouvoir le dialogue entre les vendeurs de rue et les autorités locales, afin d’aborder des questions essentielles telles que l’octroi de licences, l’accès au marché et l’amélioration des infrastructures. De plus, nous souhaitons offrir aux vendeurs une plateforme pour partager leurs expériences et défis, tout en examinant les possibilités de collaboration avec les entreprises et les parties prenantes locales. En fin de compte, notre but est de créer un environnement plus propice et durable pour les vendeurs de rue à Mbabane.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de votre appartenance à la famille de StreetNet ?
En tant que nouvel affilié à StreetNet International, nous avons besoin de soutien pour faire avancer les droits des travailleurs de l’économie informelle et pour renforcer la capacité de nos membres à défendre leurs intérêts. Notre but est d’amplifier notre voix sur les plates-formes locales et nationales, en garantissant une participation engagée dans les discussions pertinentes. Par ailleurs, nous avons besoin d’aide pour faire entendre nos préoccupations sur la scène mondiale et obtenir le soutien de nos partenaires. Enfin, nous recherchons des ressources pour améliorer les compétences commerciales, les connaissances financières de nos membres et les aider à formaliser leurs entreprises, ainsi qu’un soutien à la création de coopératives solides.