Les vendeurs de rue et autres travailleurs de l’économie informelle se sont révélés être des travailleurs essentiels – où sont donc les droits de nos travailleurs ?
Les vendeurs de rue ne sont pas souvent considérés comme faisant partie du mouvement syndical. Après tout, nous sommes travailleurs exclus de l’emploi formel et nous devons recourir à l’économie informelle pour survivre. Par contre, nous sommes toujours des travailleurs et nous ne renonçons pas à avoir le même accès aux droits et à la protection sociale. Il est urgent et nécessaire que les pays créent des moyens pour garantir les droits des travailleurs et la dignité humaine à tous les travailleurs, quel que soit leur statut d’emploi.
Le 14 novembre, la Journée internationale des vendeurs de rue, est une journée très spéciale pour les vendeurs de rue du monde entier quand nous célébrons la création officielle en 2002 de notre alliance internationale d’organisations de vendeurs de rue – StreetNet International. C’est un jour de fête et de joie pour tous nos milliers de membres de quatre continents différents, mais c’est aussi une journée de lutte, de réflexion et de persévérance.
Nous, vendeurs de rue, faisons partie du nombre croissant de travailleurs de l’économie informelle (jusqu’à 2 milliards de travailleurs dans le monde ou 61 % de la main-d’œuvre mondiale, selon les statistiques de l’OIT). Malgré notre contribution aux économies nationales de nos pays respectifs, nous sommes toujours traités comme des citoyens laissés au second plan et privés de nos droits. Nous survivons au jour le jour, sans protection sociale et toujours à risque de harcèlement et de violence. Nous sommes souvent considérés comme des parias, des criminels qui échappent à l’impôt et n’ont pas les compétences pour accéder à un emploi stable, même si nous sommes des travailleurs honnêtes, instruits, qualifiés et, comme tous les autres citoyens, payons nos impôts, souvent sans pouvoir profiter tout droit ou avantage en retour.
Pourquoi les gens se tournent-ils vers l’économie informelle alors qu’elle entraîne tant de difficultés ? Parce qu’il n’y a pas d’alternatives viables. J’ai quitté mon emploi d’enseignante pour devenir une vendeuse informelle au Zimbabwe parce que c’était la meilleure alternative pour moi et pour ma famille. Mon histoire n’est pas unique. Beaucoup de nos membres du Cambodge au Brésil partagent des expériences similaires. Et au milieu d’une crise mondiale causée par la pandémie, de telles histoires deviennent de plus en plus ordinaires. L’économie informelle est la bouée de sauvetage pour ceux et celles d’entre nous qui refusent un emploi formel, généralement en raison des inégalités sociales systémiques, de la pauvreté et du manque d’opportunités.
Les travailleurs de l’économie informelle se sont organisés en syndicats, associations et coopératives, créant un mouvement syndical dirigé par les pays du Sud. Nous revendiquons une place à la table aux niveaux local, national et international, étant donné l’importance de notre travail et de notre contribution au développement de nos communautés. La pandémie de COVID-19 a démontré que les travailleurs de l’économie informelle et les vendeurs de rue, en particulier, sont des travailleurs essentiels qui peuvent se montrer à la hauteur et combler le manque de protection sociale, de nourriture, de fourniture de besoins de base et de soutien que les gouvernements négligent, en particulier pour les plus pauvres.
Pendant la pandémie, nous avons été des agents actifs de la santé publique. Nous nous sommes mobilisés pour soutenir nos membres les plus vulnérables. Nous avons négocié sans relâche avec les gouvernements locaux et nationaux pour de meilleures conditions de travail, pour avoir l’accès aux kits alimentaires et sanitaires. Nous avons contribué avec des propositions de programmes de relance économique, et nous avons sensibilisé au sort des vendeurs ambulants qui se sont soudainement retrouvés avec le choix impossible d’aller travailler en risquant d’être arrêtés et infectés, ou de rester chez eux et de risquer la faim. Les deux dernières années nous ont montré à quel point les vendeurs de rue et autres travailleurs de l’économie informelle sont importants pour leurs communautés et comment nous devons saisir cet élan pour défendre nos droits du travail.
Du 25 novembre au 11 décembre, nous partagerons notre point de vue et présenterons nos revendications lors de la 109e Conférence internationale du travail, qui sera centrée sur les inégalités et le monde du travail. Avec d’autres organisations de travailleurs de l’économie informelle, telles que HomeNet International (Un réseau mondial d’organisations de travailleurs fondées sur l’adhésion), Global Alliance of Waste Pickers (Alliance mondiale des récupérateurs), International Domestic Workers Federation (Fédération internationale des travailleurs domestiques) et Women in Informal Employment: Globalizing and Organizing (Femmes dans l’Emploi Informel : Globalisation et Organisation), nous rappellerons une fois de plus aux gouvernements la nécessité de promouvoir la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, pour lutter contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, et pour fournir une protection sociale inclusive et un accès aux soins de santé pour tous les travailleurs, y compris l’accès à la vaccination.
Ce 14 novembre, nous vous invitons à vous joindre à nous et à nos 56 organisations affiliées de plus de 50 pays différents pour célébrer la lutte internationale des vendeurs de rue. Aidez-nous à amplifier nos revendications et à soutenir les vendeurs de rue de votre communauté en lisant et en partageant leurs histoires, en respectant leur dignité et en les reconnaissant une fois pour toutes comme des travailleurs qui méritent et sont habilités aux droits des travailleurs.
Mme Lorraine Sibanda
Présidente de StreetNet International